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également la découverte à Argentomagus (Indre) en
2013, de treize récipients rassemblés dans un grand
chaudron, dans un espace clos - une datation au IIIe s.
est avancée (source : http://www.inrap.fr/archeologiepreventive/Actualites ; consulté le 25 mars 2014). Pour la
période du Bas-Empire, il faut évoquer les pièces de
vaisselle provenant des tombes de Naintré (Vienne)
(Simon-Hiernard 2012).
(2) Le Cloirec 2001 dresse un état des données sur
Corseul (Côte-d’Armor).
(3) Le site du quartier Saint-Lupien est en cours de
fouilles par une équipe pluridisciplinaire dans le cadre
d’une coopération Ville de Rezé, Université de Nantes
et Inrap. Au sujet de ce site, on peut consulter une
présentation récente : R. Arthuis et al., Archéologie
portuaire estuarienne entre Loire et Seine : principaux
résultats et questions d’ordre méthodologique.
L’exemple des sites antiques d’Aizier (Eure) et de Rezé
(Loire-Atlantique). In : L. Hugot, L. Tranoy (éd.), Les structures portuaires de l’Arc atlantique dans l’Antiquité : bilan et
perspectives de recherche. Actes de la journée d’études
du 24 janvier 2008 à La Rochelle (Suppl. Aquitania 18),
Bordeaux 2010, 61-82.
(4) Fouilles Inrap 2009, us 6147. Mes remerciements à
Yves Manniez pour cette information.
(5) La vaisselle métallique est aussi représentée sur
les sites aquitains par les pieds et supports de vases
(seaux, casseroles et autres) ; par exemple, quatre de ces
éléments sont attestés sur le site de la rue de la Marne
à Poitiers (Vienne) dans des contextes allant du Ier
au IIIe s. (étude I. Bertrand). Ces pièces détachées par
excellence étaient vraisemblablement produites localement.
Bibliographie :
Archer 2010 : A. Archer, Étude de l’instrumentum du
sanctuaire de Vieille-Cour à Mauves-sur-Loire. Synthèse
et catalogue. Master 1 archéologie et histoire, Université de Rennes 2 Haute-Bretagne, année 2009-2010,
2 vol.
Bertrand 2003 : I. Bertrand, Le petit mobilier du
site de La Couture à Muron (Charente-Maritime, F),
Bulletin Instrumentum 18, déc. 2003, 25-28.
Bertrand 2009 : I. Bertrand, Mobilier en métal (alliage
à base de cuivre, fer, plomb), os et verre. Rezé (44),
Saint-Lupien - fouilles 2006-2008. Étude préliminaire.
In : R. Arthuis, D. Guitton, M. Monteil, J. Mouchard,
O. De Peretti (coord.), L’agglomération antique de Rezé
(Loire-Atlantique). Le quartier Saint-Lupien. Fouille pro-
grammée 2006-2008. Rapport final 2008, mars 2009,
t. II – Études spécialisées, p. 2-9.
Bertrand, à paraître : I. Bertrand, Mobiliers métalliques de la villa du Grand-Essart à Jard-sur-Mer. In :
D. Séris (dir.), La villa du Grand-Essart à Jard-sur-Mer
(Vendée).
Boucher 2010 : T. Boucher, Attaches de suspension
de bassin de type Argentomagus, Bulletin Instrumentum 31, juin 2010, 20-23.
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M. Munos, Une cruche estampillée en bronze
découverte en territoire biturige (Étrechet, Indre),
Bulletin Instrumentum 32, déc. 2010, 32-34.
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Simpulums. In : M. Feugère, C. Rolley, La vaisselle tardorépublicaine en bronze. Actes de la table ronde CNRS,
Lattes 26-28 avril 1990, Université de Dijon (Centre
de recherches sur les techniques gréco-romaines
13), Dijon 1991, 61-88.
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M. Pernot, Un quartier antique d’artisanat métallurgique à Autun (Saône-et-Loire) - Le site du Lycée militaire
(Documents d’Achéologie Française 76), Paris 1999.
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Vessels in the Rijksmuseum G. M. Kam at Nijmegen
(Description of the Collections in the Rijksmuseum
G. M. Kam at Nijmegen 5), Nijmegen 1956.
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C.Treffort, Rom (Deux-Sèvres). In : L. Bourgeois (dir.),
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Âge. Formes et monuments : vol. 2) Angles-sur-l’Anglin,
Argenton-Château, Charroux, Melle, Parthenay, Rom.
Éd. APC (Mémoire XXVII), Chauvigny 2005, 147165.
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La tombe augustéenne de Fléré-la-Rivière (Indre) et les
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(Revue Archéologique du Centre de la France, 7e
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Holliger 1985 : C. & C. Holliger, Bronzegefässe aus
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Maguer et al., à paraître : P. Maguer, M. Linlaud,
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mobilier métallique de l’établissement rural des
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Mothes, Pernot 2008 : C. Mothes, M. Pernot, Étude
technologique d’un échantillon de mobiliers issus
des ateliers de travail des métaux et alliages non
ferreux. In : D. Pouille (dir.), Rennes antique. PUR
(Archéologie et Culture 4), Rennes 2008, 399-419.
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ensemble aristocratique du premier siècle. Musées de
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Roussel 2012 : S. Roussel, Une représentation
d’Harpocrate peu commune sur l’anse d’une œnochoé
en bronze découverte à Juliomagus (Angers, Maineet-Loire), Bulletin Instrumentum 36, déc. 2012, 16-20.
Saget 1973 : Y. Saget, La villa gallo-romaine de la
Pinsonne à Mauves-sur-Loire, Bulletin de la Société
archéologique et historique de Nantes et de LoireAtlantique 112, 1973, 3-26.
Simon-Hiernard 2012 : D. Simon-Hiernard (dir.),
Amor à mort. Tombes remarquables du Centre-ouest de
la Gaule (Ier siècle av. J.-C. - IVe siècle ap. J.-C.). Musée
Sainte-Croix, Poitiers 2012.
Tassinari 1993 : S. Tassinari, Il vasellame bronzeo di
Pompei (Ministero per i Beni Culturali ed Ambientali.
Sopr. Archeol. di Pompei, Cataloghi, 5), Roma 1993.
Reconstitution de dés en
matière dure animale,
antiques et médiévaux
M. Feugère, C. Picod
Dans le cadre d’une recherche générale sur les
formes anciennes de dés et leur utilisation, nous avons
voulu explorer les apports respectifs de deux démarches complémentaires, celle d’un archéologue (M.F.)
et celle d’un tabletier (C.P.). Comme souvent, cette
expérience d’archéologie expérimentale nous a
permis d’affiner les questions des uns et des autres,
de mettre en évidence des aspects techniques et
historiques insoupçonnés, et enfin de renouveler
sensiblement la problématique sur cette catégorie
d’objets (fig. 1). Cette note présente les réflexions
communes des auteurs sur ces différents points.
Fig. 1 — Reconstitutions de différents types de dés
anciens, en os et en ivoire, C. Picod (Cliché : M. Feugère).
37
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Aspects techniques
1. Le matériau
Un dé cubique peut être fabriqué dans bien des
matières, qui doivent cependant être assez résistantes pour que l’objet ne soit pas endommagé
trop vite. Les dés en terre cuite, ambre, albâtre ou
plomb ne sont guère performants sous ce rapport,
même si toutes ces matières ont été utilisées pour
fabriquer de tels objets ; les matières plus dures,
argent, pierres précieuses ..., sont certainement très
résistantes mais coûteuses. Finalement, les matières
dures animales, l’os, pour ne citer que celle qui est
le plus fréquemment utilisée, offre un excellent
compromis entre dureté, maniabilité et résistance
aux chocs. Les dés en os sont débités dans des
parties rectilignes des radius, tibias de bœuf et plus
rarement métapodes. L’ivoire est utilisé plus exceptionnellement et a aussi été testé en expérimentation (1). Le bois de cerf a pu être sélectionné, mais il
n’est pas facile d’y trouver une zone qui ne présente
pas d’un côté une partie spongieuse, sauf à chercher
de la matière dans la couronne ou sous la base,
c’est-à-dire dans le pédicule, excroissance de l’os
crânien ; le recours à cette partie osseuse permet
d’obtenir un seul dé de c. 20 à 30 millimètres de
côté. Les dés en bois de cerf sont assez courants
au Moyen Âge, mais semblent rares à l’époque
romaine (2). Parmi les mammifères disponibles dans
l’Antiquité, le bœuf est l’animal dont les os offrent
la plus grande épaisseur, mais le cheval, le cerf et
quelques autres animaux ont également pu être
sollicités (fig. 2).
À l’expérimentation, la dureté des matériaux
s’avère identique pour le débit, qu’on travaille de
l’os, du bois de cerf ou de l’ivoire. L’utilisation d’os
frais ou humidifié, quand il est sec et dégraissé, ne
change pas vraiment les conditions de travail. Au
contraire, il s’avère plus difficile de réaliser des
cercles oculés fins et bien nets sur de l’os sec réhumidifié.
En revanche, la réalisation des cercles oculés à
l’archet a montré que la pénétrabilité de la matière
varie pour un même os. En effet, l’os est constitué
de “fibres” alignées dans le sens de la longueur, et
de couches de croissance concentriques dans son
épaisseur, un peu comme un arbre. Parallèlement
aux fibres, “en bout”, l’os est très résistant, un peu
moins sur les côtés. Le travail est nettement plus
facile quand l’outil attaque l’os perpendiculairement aux cercles de croissance. À l’expérimentation,
nous avons privilégié cette attaque pour réaliser
les pointages et cercles oculés du chiffre 6. Par
un examen minutieux des dés anciens, il serait
Fig. 2 — Épaisseur de l’os disponible pour le tabletier dans une section d’os long de bœuf, d’un métapode de cheval et
d’un métapode de bœuf (Cliché : C. Picod).
intéressant de vérifier si les artisans antiques et
médiévaux ont procédé de même.
En ce qui concerne la taille des dés, deux stratégies ont donc été utilisées au cours du temps
pour dépasser la limite naturelle de 15/20 mm : la
technique des dés composites, que nous examinerons plus bas ; et celle des dés oblongs. En effet, si
aucune des dimensions ne peut excéder 15 à 18 mm
environ dans un dé cubique en os massif, le recours
à une forme allongée permet d’obtenir des objets
de taille bien supérieure, plus faciles à manipuler ;
mais dans ce cas, la probabilité de tomber sur les
six faces n’est plus égale selon la face considérée.
Cette évidence, qui semblerait rédhibitoire à un
joueur moderne, ne semble pas avoir rebuté les
utilisateurs antiques. Dans les jeux contemporains, il
est indispensable que le jet de dés donne accès à des
chances égales de tomber sur les faces 1 à 6 ; dans
les utilisations antiques de dés parallélépipédiques,
ce n’était évidemment pas le cas. De fait, sur les dés
parallélépipédiques de l’Âge du Fer (DEJ-3001) (3), il
arrive assez souvent que les faces les plus étroites ne
soient pas marquées. On se contente donc de scores
de 3 à 6 (le plus souvent), résultat qui lui-même
ne bénéficie pas des mêmes probabilités quand la
section de l’objet est elle-même rectangulaire. La
recherche d’une probabilité également répartie n’est
donc pas le but recherché dans un certain nombre
de dés antiques, ce qui conduit à s’interroger sur
leur utilisation.
Fig. 3 — Écouanne utilisée pour l’ajustage d’un cube ou le façonnage des formes complexes :
ici, sur DEJ-9004 et -4002 (Cliché : C. Picod).
38
2. L’outillage
L’outillage nécessaire à la fabrication de dés est
assez réduit, ce qui ne signifie pas que le processus
ne présente aucune difficulté ; il y a deux phases
principales, le débitage et le marquage, plus un
polissage final sans lequel un dé fraîchement taillé
“roule” mal. Le polissage est souvent limité aux seuls
sommets ou arrêtes.
Le débitage
Le débitage se fait à la scie et exige des parois
rectilignes et bien parallèles, sans qu’aucune face
naturelle de l’os ne vienne contrarier la régularité de
l’objet. L’usage de deux scies est parfois visible sur
les rebuts en os, l’une pour un débit grossier à partir
de l’os lui-même, et une scie plus fine (largueur de
voie de 0,8 mm souvent) pour le débit des dés
proprement dits. Le parallélisme n’est pas toujours
atteint et plusieurs dés anciens montrent qu’on n’a
pas suffisamment resserré la coupe. Une reprise à
l’écouanne s’avère alors nécessaire (fig. 3 et 4). Les
dés “presque” cubiques peuvent s’expliquer, dans
certains cas, par le rattrapage in extremis d’un défaut
apparu sur une face, mais il faut toujours les distinguer des formes clairement parallélépipédiques :
cette forme est considérée comme ayant été
recherchée dès qu’une mensuration est inférieure
de 25 %, environ, à l’une des autres dimensions du
dé.
Fig. 4 — Préparation et ajustage de différentes formes de dés
(Cliché : C. Picod).
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a
a
b
b
c
c
d
Fig. 5 — a. marquage des dés à la drille, sur le Libro de los Juegos d’Alphonse X, entre 1251 et 1282 ; b et c. préparation,
débitage et marquage de dés miniatures, DEJ-4016 (C. Picod).
Le procédé de fabrication d’un dé cubique plein
n’est avéré qu’au Moyen Âge, mais devait être identique à Rome et chez les Étrusques : le tabletier
extrait d’abord de la paroi d’un os long, par exemple
un métacarpe de bovidé, une baguette qu’il façonne
jusqu’à obtenir une section carrée ; les dés seront
ensuite marqués, puis débités un par un, tant que la
section de la baguette le permet. Si le marquage est
une phase délicate, le débitage ne demande donc
qu’une scie et un minimum de précision (fig. 5).
Un travail de surface est nécessaire pour effacer
les traces de sciage. Différents outils peuvent être
utilisés en fonction de la profondeur des traces à
enlever : le ciseau type menuisier, le racloir, la lime
et enfin l’écouanne que nous privilégions. Ce dernier
outil est attesté à l’époque romaine (ébarbage du
bronze, entre autres, et un exemplaire partiel est
conservé au Musée de Bliesbruck Reinheim) et cité
au Moyen Âge (Livre des métiers, Étienne Boileau,
circa 1268). On a pu également utiliser des abrasifs,
comme de la pouzzolane ; une étude tracéologique
pourrait faciliter la détermination des divers outils
utilisés pour ce travail de surface sur les dés en os.
Le marquage
C’est l’étape la plus complexe, sauf pour les
points simples (comme ceux que portent nos dés
modernes) : dans ce cas, un outil rotatif rudimentaire, qui peut être manipulé à la main, suffit. C’est
le procédé retenu pour les dés gaulois parallélépipédiques. Mais, que ce soit chez les Étrusques ou à
Rome, on préfère de beaucoup le cercle oculé, plus
souvent double que simple.
Un cercle oculé suppose l’emploi d’un procédé
rotatif à vitesse lente, comme on peut en obtenir
avec une drille, par exemple, équipée d’une mèche
à 2 ou 3 pointes : celle qui est destiné au point de
centrage doit nécessairement être la plus longue et
parfaitement centrée sur l’axe de rotation. Elle est
séparée de la pointe latérale, dans le cas d’un cercle
oculé simple, par un trait qui ne peut pas être
inférieur à la largeur de la scie, dans le cas où cet outil
est employé. Pour obtenir une mèche à deux pointes,
l’un des côtés de la mèche est rogné jusqu’à ce que
le travail ait dégagé deux pointes asymétriques,
toutes deux plus courtes que la mèche centrale. Afin
d’éviter les vibrations d’une rotation désaxée, une
pointe est disposée à droite, l’autre à gauche de la
pointe centrale (fig. 6a). Pour obtenir des cercles
très resserrés, on peut éventuellement rapprocher
les pointes par un léger martelage (fig. 6b).
L’expérimentation s’est heurtée à de nombreuses difficultés, qu’il serait fastidieux d’énumérer
dans le détail. Si la fabrication de mèches pour les
cercles oculés de grand diamètre ne pose pas de
problème, il n’en va pas de même pour les petites
mèches et surtout pour la plus petite utilisée. Nous
avons choisi de la fabriquer dans un simple clou en
fer. Les extrémités des pointes ne sont pas acérées,
contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, mais
carrées (fig. 6a). Les dés romains montrent parfaitement ce profil plat dans la section des cercles oculés.
Cette extrémité carrée agit comme un ciseau vertical
ou bédane. Nos premières expérimentations avec un
système tournant rapide ont échoué, jusqu’à ce que
nous utilisions la drille à archet avec un mouvement
d’aller et retour. Dans un sens la mèche en rotation
coupe l’os et dans l’autre sens elle débourre les
copeaux : de ce fait, la coupe des cercles oculés est
nette et franche. Ce fut particulièrement visible avec
notre plus petite mèche où nous avons pu réaliser
un dé à cercles oculés sur une baguette d’ivoire de
6 mm de section.
Quand nous n’avions pas de mèche pour faire
deux cercles concentriques de diamètre conforme
aux originaux, nous avons utilisé deux mèches de
diamètre différents, mais les résultats ne sont pas
conformes aux objets anciens : le positionnement
de la seconde mèche au deuxième passage induit
presque toujours des cercles non rigoureusement
Fig. 6 — a. schéma et reconstitution d’une mèche à double
pointe ; b. divers essais de marquage au simple cercle oculé ;
c. schéma d’une mèche à triple pointe, pour double cercle
oculé ; d. mèche asymétrique à 3 pointes, et dé à double
cercle oculé (Dessins et clichés : C. Picod).
concentriques. Il est clair que, sur les dés originaux
une seule mèche a été utilisée quelque soit le
nombre de cercles du marquage, nombre qui varie
de 1 à 3.
Une autre difficulté a été rencontrée sur les dés
composites, que ce soit sur un métapode bouché
ou sur des plaquettes assemblées. Les dés antiques
montrent toujours un manque de matière dans les
assemblages. Dans nos expérimentations, les assemblages ont été faits au plus juste, avec un comblement
des interstices utilisant un mélange de colle et de
poudre d’os. Cet enduit, même très sec, n’a pas été
assez résistant pour empêcher la mèche de dévier
au contact de ces jointures, ce qui donne des cercles
oculés moins précis : or, ce n’est jamais le cas sur les
dés antiques. Y avait-il un enduit plus solide ? De
quelle nature ? Pourquoi, sur les dés à plaquettes,
les artisans antiques ont-ils préféré un marquage à
cheval sur cette jointure, alors qu’il y avait l’espace
nécessaire pour réaliser le marquage sur l’os massif ?
Comme on le voit, le marquage de cercles oculés
apparaît souvent comme un fait banal et sans intérêt.
Simple ? Sûrement pas, notre expérimentation en
a montré les limites et ... les progrès qu’il nous reste
à accomplir pour égaler le travail des artisans
antiques.
3. Les formes de dés
Qui s’intéresse aux dés découvre bien vite la
variété morphologique insoupçonnée des objets
décrits comme tels. Pour un homme moderne, un dé
à jouer est forcément un objet cubique, mais il n’en
a pas toujours été ainsi et certains jeux modernes,
39
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comme les “jeux de rôles”, redécouvrent les formes
très variées que l’on peut leur affecter. Les premiers
dés attestés en Mésopotamie n’ont pas six mais
quatre faces, ce sont donc des tétraèdres (van der
Heijt 2005, 84-85) : cette forme, lancée sur une
surface plane, roule mal, et les côtés de ces dés ont
donc été arrondis pour pallier cet inconvénient. On
découvre bien vite (quelques siècles plus tard, tout
de même) qu’en ajoutant deux faces, on ouvre les
angles, et qu’on obtient de cette manière un objet
plus fonctionnel, c’est-à-dire qui a autant de chances
de tomber sur une face plutôt qu’une autre quand
on le jette : le dé cubique est né. Si on veut toujours
obtenir des côtés de surface égale, les formes à plus
de 6 faces posent des problèmes de géométrie
complexes, et resteront toujours marginales (DEJ4019, -4021, -4015).
Cette construction est donc particulièrement
complexe, comme l’a montré la reconstitution.
4. La construction des dés
Sur la numération, on renverra d’abord à la très
utile norme proposée par J.-C. Béal, ainsi qu’aux
réflexions récentes de F. Poplin (2004, qui ne cite pas
le précédent). La présentation la plus répandue, que
François Poplin appelle le “dé classique”, est celle
où la somme des faces opposées équivaut à 7. Elle
présente elle-même plusieurs variantes, selon l’ordre
dans lequel se présentent les faces marquées (Poplin
2004).
Dans un dé massif, l’homogénéité du matériau
est primordiale, aucune face ne pouvant comporter
de lacune, ni même d’os spongieux. Avec un dé
composite, on s’affranchit de cette contrainte en
utilisant plusieurs pièces d’os compact. Une première
solution, inventée en Étrurie, n’a guère survécu dans
le temps. Elle consiste à fabriquer un dé cubique en
assemblant de minces plaquettes carrées sur une
âme (sans doute en bois) : solution laborieuse, qui
exige une découpe précise et un collage sans défaut.
Le dé ainsi obtenu peut être de taille importante,
mais l’objet reste fragile. Un dé de ce type a été
signalé à Chiusi, un autre (probablement en ivoire)
est exposé au Museo Etrusco de Volterra (DEJ3004). Sur ces deux exemplaires, on voit que les
ocelles ont été posées à l’extérieur de chaque face,
c’est-à-dire, dans plusieurs cas, à cheval sur 2, voire
sur 3 faces, ce qui accroît d’autant la difficulté (fig. 7).
5. Le marquage des dés
Trois aspects sont à prendre en compte : l’aspect
physique des points indiquant le marquage, la
séquence de chiffres, et enfin l’ordre dans lequel
apparaissent les indications chiffrées. Sur les dés
modernes, le point est généralement indiqué par
une cupule profonde, effectuée avec une mèche
simple à pointe centrée et étroite. Sur les dés anciens,
on préfère presque toujours un cercle oculé, simple
ou double. Ces points sont obtenus à l’aide d’une
mèche dans laquelle on a pratiqué deux encoches,
ce qui dégage une pointe centrale et deux pointes
latérales : ces dernières, en tournant autour de l’axe,
vont creuser une couronne autour du point
Sur la séquence de chiffres, le marquage de 1 à 6
est usuel sur les dés cubiques ; il ne faut cependant
pas oublier que certains dés à numération différente,
comme par exemple les dés de backgammon, inscrits
2, 4, 8, 16, 32 et 64, ne sont pas faits pour être jetés
mais simplement pour afficher le coefficient de la
mise initiale. Les dés ne portant que 4 faces marquées,
ce qui est assez fréquent sur les exemplaires gaulois
parallélépipédiques, n’ont donc pas nécessairement
été utilisés pour déterminer le score d’un joueur.
Aspects archéologiques
Cette approche, que nous développerons peu
ici, concerne tout d’abord les constatations liées à
l’inventaire des types et à leur chronologie : dès le
début de la période étrusque, on rencontre des dés
pleins et creux, des dés cubiques et des dés parallélépipédiques (Lejeune 1981). Dans l’Antiquité
romaine, seuls subsistent les dés cubiques, pleins
ou creux ; puis au Moyen Âge, seulement les dés
cubiques pleins. L’évolution chronologique s’accompagne donc d’un appauvrissement des formes de
dés, et bien sûr des techniques utilisées pour leur
fabrication.
La rupture essentielle, ici, nous semble l’abandon
des dés parallélépipédiques. Certes, on rencontre
encore à l’époque romaine quelques dés atypiques, comme l’exemple “en forme de calisson” de
Whelford (GB), daté entre le début du IIe et le
début du IVe siècle (Miles 2007a, fig. 5.28, n° 40)
(DEJ-4010), ou encore les dés losangiques, attestés
à Boscoreale et à Naintré (DEJ-4013). Mais ces
exceptions ne font que rendre plus évidente la
généralisation des dés cubiques, c’est-à-dire liés à
une activité où la probabilité de sortir une face ou
l’autre doit absolument être égale entre les coups et
entre les joueurs.
Sous ce rapport, l’utilisation d’un dé creux modifie
sensiblement la répartition des masses à l’intérieur
du dé, et donc l’égalité des chances de sortir une
face ou l’autre. Mais tous les dés creux sont de
taille plus importante, donc facilement repérables, et
les faces comportant un bouchon devaient rester
visibles. De toutes façons, les deux joueurs utilisant
les mêmes dés, le biais apporté au sort était le même
pour tous, et aucun de ces dés n’a pu être considéré
dans l’Antiquité comme un véritable “dé pipé” (DEJ3007, -4002).
Catalogue
Dés étrusques
DEJ-3004 : copie d’un dé composite de Chiusi [SI]
(IT),Tomba delle Pianacce, vers 325 av. n. ère ; 36 mm
de côté (Minetti, Maccari 2010, 150, n° 32). L’assemblage de minces plaquettes, qui exige un collage
précis, et surtout la pose de cercles oculés à cheval
sur ces côtés assemblés, représentent une véritable
gageure (fig. 7 et 8).
DEJ-3008 : copie d’un dé étrusque trouvé à Lyon,
rue des Tuileries, dans un niveau daté des années
520/480 av. n. ère (fig. 8), un modèle courant dans
les nécropoles étrusques de Bologne (notamment
Arnoaldi). Autre dé de Bologne, nécropole de la
Certosa, tombe 317, fin Ve à début du IVe s. av. J.-C.
(Bologna, Museo Civico Archeologico).
a
b
Dé gaulois
DEJ-3001 : copie d’un dé de Naintré, Les Fonds des
Berthons (86), numéroté de 3 à 6, sans indication sur
les faces étroites ; angles très émoussés, marquage
en points simples (Bertrand, Maguer 2007, 244)
(fig. 8). Cette forme gauloise très caractéristique est
sans doute d’origine ancienne, si on en croit les
deux dés provenant d’un niveau lyonnais (rue des
Tuileries, us 5033), daté des années -520/-450 av. n.
ère (Carrara, Maza 2009).
Dés romains
Fig. 7 — a. Dé étrusque constitué de minces plaquettes d’ivoire, collées sur une âme
de bois : exemplaire de Chiusi, vers 325 av. n. ère (d’ap. Minuti, Maccari 2010) ;
b. Restitution C. Picod, montrant les difficultés du collage sur les tranches des
minces plaquettes, puis le marquage (Clichés : C. Picod et M. Feugère).
40
DEJ-4002 : dé creux, taillé ici dans la diaphyse d’un
métapode de cheval (“os gris”) : l’irrigation particulière des os de chevaux rend les fibres de l’os, sur un
os fraîchement travaillé, très apparentes (fig. 10).
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Fig. 8 — Dés étrusques et gaulois illustrant la variété des modules entre les différentes
formes de dés massifs ; le dé étrusque à plaquettes, copie de l’exemplaire de Chiusi, est
publié comme un objet de 35 mm de côté (Cliché : M. Feugère).
DEJ-4009 : dé cubique en ivoire, un matériau qui,
malgré sa dureté, ne présente pas de difficulté de
travail particulière.
DEJ-4010 : forme originale, numérotée de 3 à 6 et
très peu fonctionnelle : pratiquement aucune chance
de sortir le 3 ou le 4, qui se trouvent sur les faces
arrondies. Copie d’un dé provenant d’un niveau du
début IIe au début IVe s. à Whelford, Claydon Pike
(GB) (Miles 2007a, fig. 5.28, n° 40) (fig. 9).
DEJ-4013 : autre forme originale, losangique et
permettant donc une numérotation de 1 à 6, mais
à peine moins fonctionnelle que la précédente (les
seuls cas où les faces étroites peuvent sortir sont
ceux d’un rebond sur une surface dure). Copie du dé
de Boscoreale, conservé au British Museum (inv. GR
1912.0516.6) (fig. 9).
DEJ-4007 : baguette allongée et légèrement renflée
au centre, taillée ici dans un os de bœuf. Cette forme
particulière permet d’associer le chiffre tiré à une
direction, qui peut également jouer un rôle dans un
jeu, ou dans un procédé de divination. Copie d’un
dé non daté de Mainz, Linsenberg, conservé au
Fig. 9 — Copie des formes originales de Claydon Pike (DEJ-4010) et de Boscoreale (DEJ4013) (C. Picod ; Cliché : M. Feugère).
Rheinisches Landesmuseum de cette ville, inv. R 2318
(Mikler 1997, Taf. 20, n° 24). Des dés de ce type sont
encore utilisés de nos jours en Inde et dans plusieurs
régions asiatiques ; le profil bombé permet au dé
de tourner sur lui-même, ouvrant la voie à une
utilisation divinatoire.
Dés médiévaux et modernes
DEJ-9004 : curieux dé tubulaire à 6 faces concaves,
copie d’un dé du Landesmuseum de Mainz (Mikler
1997, Taf. 20, n° 25), non daté, fabriqué ici en os de
cheval (fibreux et gris). Le dé ayant été élaboré
par un droitier, les cannelures sont légèrement
déportées vers la gauche, à cause du mouvement
naturel du bras au cours du processus d’abrasion.
Ce dé ne semble pas avoir été utilisé tel quel, bien
que ses angles arrondis lui permettent de rouler
sur toutes ses faces avec une grande facilité. Monté
sur un axe, il constituait sans doute le lest d’un détoupie, comme on en utilisait dans certains jeux
de type “put-and-take”, inventés en Angleterre au
XVIIIe siècle (van der Heijdt 2005, 116-117). De
nombreuses variantes, y compris en métal, existent
pour ces dés très particuliers.
DEJ-9001 : deux petits dés médiévaux ; le manque
d’espace et la faible taille des surfaces disponibles a
causé des perforations quand deux chiffres nécessitent des pointages tout proches l’un de l’autre : les
point du 4 et du 6 se rejoignent parfois ... Un tel
accident peut expliquer la dégradation prononcée
de certains dés, devenus inutilisables à la suite de
lacunes sur ces angles.
Michel Feugère
michel.feugere@mom.fr
Christophe Picod
cpicod@orange.fr
a
Fig. 10 — a. Dé creux de Lyon, Musée Gallo-Romain de Fourvière ; b et c. Étapes
de sa restitution (C. Picod ; Clichés : M. Feugère). Le dé creux est une création
étrusque, attestée jusqu’au début du Ier s. de notre ère.
a
b
c
b
Fig. 11 — Dé-toupie d’un jeu de type “put-and-take”,
XVIIIe ou XIXe siècle : a. Au Landesmuseum de Mainz
(d’ap. Mikler 1997) ; b. reconstitution C. Picod (Cliché :
M. Feugère).
41
instrumentum39_maquette INSTRUMENTUM 19 11/06/14 09:47 Page42
Notes :
(1) Peu de matière étant nécessaire, c’est bien sûr de
l’ivoire ancien de récupération qui est utilisé dans
l’expérimentation.
(2) Un exemplaire au Musée de Fréjus (rens. I. RodetBelarbi).
(3) Les références de type DEJ-xxx renvoient aux fiches
d’Artefacts, consultées ici en juin 2014
artefacts.mom.fr/fr/home.php
Bibliographie :
Béal 1983 : J.-C. Béal, Catalogue des objets de
tabletterie du Musée de la Civilisation Gallo-Romaine de
Lyon (Centre d’Et. Rom. et Gallo-Rom., Lyon III, NS
1), Lyon 1983.
Bertrand, Maguer 2007 : I. Bertrand, P. Maguer (dir.),
De pierre et de terre. Les Gaulois entre Loire et Dordogne.
Éd. A.P. C. (Mémoire XXX), Chauvigny 2007.
Carrara, Maza 2009 : S. Carrara, G. Maza, Les
antécédents de la colonie du VIe au Ier s. av. J.-C. In :
Lyon Capitale de la Gaule romaine (dossier L’ArchéoThema, 1), mars-avril 2009, 7-10.
Lejeune 1981 : M. Lejeune, Les six premiers numéraux étrusques, Revue des Études Latines 59, 1981, 6977.
Mikler 1997 : H. Mikler, Die römischen Funde aus Bein
im Landesmuseum Mainz (Monogr. Instrumentum 1),
Montagnac 1997.
Miles 2007 : D. Miles, S. Palmer, A. Smith, G. Perpetua
Jones, The 2nd to 3rd Century AD Roman Complex
(Phase 3). In : D. Miles, S. Palmer, A. Smith, G. Perpetua
Jones, Iron Age and Roman settlement in the upper
Thames valley. Excavations at Claydon Pike and other
sites within the Cotswold Wazter Park (Oxford Arch.;
Thames Valley Landscapes Monogr. 26), Oxford
2007, 93-167.
Minetti, Maccari 2010 : A. Minetti, A. Maccari, Il
corredo della Tomba delle Pianacce. Scavo 1954.
In : A. Minetti, G. Paolucci, Grandi archeologici del
Novecento. Ricerche tra Preistoria e Medioevo nell’agro
Chiusino. Chiusi 2010, 140-151.
Poplin 2004 : F. Poplin, Numération et orientation
des dés antiques et médiévaux, Bull. Soc. Nat. Ant.
France 2004, 51-65.
Van der Heijt 2005 : L. van der Heijdt, Face to face
with dice, 5000 years of dice and dicing. Groningen
(Gopher publishers), 2005.
Des agrafes à double crochet à
la fin du Moyen Âge et au
début de l’époque moderne
A. A. Berthon
L’agrafe à double crochet est un accessoire vestimentaire et de parure en forme de barre, plus ou
moins longue, plus ou moins ornée, dont les deux
extrémités sont recourbées en forme de crochet.
L’agrafe sert à rassembler deux pans de vêtement
et en cela, elle se rapproche des fibules antiques ou
des fermaux médiévaux. Ce terme général recouvre
donc un type d’objet et non un artefact bien défini
dans une chrono-typologie. Le plus souvent, une
agrafe à double crochet désigne les accessoires
carolingiens, très utilisés entre la fin du VIIe siècle et
le XIe siècle, généralement dans l’espace français
actuel. En alliage cuivreux ou en fer, ces agrafes de
formes variées sont toutefois monoblocs, avec un
corps perforé plus ou moins épais.
42
Mais l’utilisation des agrafes vestimentaires fut
également en vogue entre le XIVe et le XVIe siècle.
Méconnus, ces artefacts sont souvent confondus
avec des objets plus anciens, comme le montre par
exemple l’erreur d’interprétation de F. Stutz dans sa
thèse : une agrafe à corps méplat à trois torsades
est rangée parmi les agrafes du haut Moyen Âge de
type isolé (Stutz 2003, vol. 2, 429, pl. 71/1019), et
pour cause, cette agrafe est datable de l’extrême fin
du Moyen Âge ou du début de l’époque moderne.
Déjà en 1916, C. Enlart remarquait ces fréquentes
erreurs : “à ce type appartiennent des objets vulgaires
du XVe siècle souvent trouvés dans les fouilles (...), que
beaucoup de musées s’obstinent à classer comme galloromains” (Enlart 1916, 244).
Cet article se propose de faire le point sur les
types d’agrafes connus à cette période, afin de
mieux les distinguer des précédents carolingiens.
La majorité des objets décrits appartient à des
contextes bien cernés chronologiquement. Nous
procèderons par une description des types connus
et aborderons également quelques cas problématiques. Sauf mention contraire, tous les exemplaires
sont en alliage cuivreux.
La diversité des types d’agrafes est relative avec
deux grandes catégories d’agrafes. Il existe d’un
côté des agrafes simples et monoblocs et, de l’autre,
des agrafes composites à deux ou quatre crochets
complétés de fils enroulés et parfois de perles. Les
possibilités de décor sont multiples, mais certains
types semblent beaucoup plus utilisés que d’autres.
On note ainsi le succès des agrafes à corps méplat
torsadé et des agrafes composites avec un corps
large complété par des fils recourbés aux angles.
Ces objets sont par ailleurs diffusés dans un vaste
espace, puisqu’un même type d’agrafe peut aussi
bien être utilisé dans le Sud-Ouest de la France et en
Belgique (agrafes à corps méplat et trois torsades),
qu’en Alsace et en Angleterre (agrafe dont le corps
est complété par deux tiges dont les extrémités sont
recourbées vers l’extérieur, formant quatre volutes).
vêtement. Mais les sources iconographiques nous
invitent aussi à considérer leur relation avec les
ceintures richement décorées de la fin du Moyen
Âge et du début de l’époque moderne, où sont
suspendus divers accessoires, de l’aumônière au
fourreau d’épée. Ainsi, le portrait de Robert Dudley,
premier comte de Leicester (anonyme, huile sur
toile, National Portrait Gallery, Londres, fig. 1), peint
vers 1575, montre qu’une agrafe faisait la jonction
entre la boucle de ceinture et la bride de suspension
de l’épée. Chaque agrafe était ainsi positionnée dans
la bélière de l’anneau et dans un œillet de la bride.
Des objets contemporains, assez similaires,
peuvent être confondus avec ces agrafes. Nous
devons écarter les pendants de ceinture, sorte de
crochet suspendu et riveté sur une bride, d’où
pendent des accessoires vestimentaires. Dans ce cas
précis, les extrémités ne sont jamais effilées, contrairement aux agrafes (Berthon 2013, 91-92 ; Egan,
Pritchard 1991, 219-224). Une autre sorte d’agrafe,
cette fois aux pointes effilées mais anguleuses, aux
dimensions similaires, est identifiée en Angleterre
comme un accessoire textile. Il est dénommé
“harbick”, “shear-board hook” ou “havette”. Ce
dernier terme est proche de l’ancien français havet,
désignant un crochet selon le Dictionnaire de l’ancien
français d’A. J. Greimas (éditions Larousse, 1979,
rééd. 1992). Malheureusement, il ne semble pas
exister d’équivalent français pour un tel accessoire.
D’après les auteurs, il s’agit de crochets de tailleur
ou de fourreur servant à maintenir des pièces de
tissus ou des peaux sur le plan de travail, lors de
l’étape de la découpe ou de l’égalisation des poils de
la toison. Ils seraient donc des vestiges d’une activité
textile professionnelle. Ces découvertes semblent
toutefois limitées à l’Angleterre dans l’état actuel
des connaissances (Goodall et al. 1984, 344-345,
fig. 193/177 ; Goodall, Keene 1990, 239-240).
Ainsi, ces accessoires de type agrafe à double
crochet (voire à quadruple crochet) paraissent-ils
avoir été largement diffusés dans l’Ouest de l’Europe.
Si un usage régulier semble en avoir été fait surtout
aux XVe et XVIe siècles, quelques exemplaires sont
parfois datés du XIVe siècle (Brandes-en-Oisans, agrafe
n° 35) ou du début du XVIIe siècle (Amsterdam,
Baart 1977, 154) avec, cependant, quelques incertitudes. Toutefois, la récurrence et la constance
morphologique de ces artefacts plaident pour une
phase de production relativement “courte” et
homogène. Par ailleurs, la facture simple de la plupart
d’entre eux en fait des objets communs, déjà qualifiés avec raison de “vulgaires” par Camille Enlart au
début du XXe siècle.
Plusieurs détails les distinguent des agrafes
carolingiennes. Les dimensions sont d’abord plus
importantes, avec des longueurs dépassant fréquemment les 50 mm, voire les 80 mm, alors que les
exemplaires plus anciens mesurent généralement
entre 20 et 40 mm de long. Les motifs sont très
particuliers et ne peuvent être confondus : alors que
les agrafes carolingiennes adoptent souvent des corps
monoblocs moulés, épais, moulurés ou poinçonnés,
et perforés, les agrafes des XVe-XVIe siècles sont
plus simples (corps plat à peine travaillé) ou composites, régulièrement complétées par des fils aux
motifs plus ou moins complexes. Certaines sont très
ouvragées (fig. 4, agrafe de Londres, n° 34), mais dans
l’ensemble, ces pièces sont de facture moyenne.
Agrafes monoblocs (fig. 2 et 3)
Si l’usage vestimentaire des agrafes est supposé,
leur emplacement sur le costume est encore mal
défini. Comme pour les exemplaires carolingiens,
elles pouvaient servir à attacher deux pans de
1 : La Rochelle, 14-16 rue Delayant, XVIe-XVIIe s.,
L. 85 mm, la section est circulaire (Berthon 2013, 71,
objet 99).
Agrafes longilignes simples
2 : Paris, monastère de l’Ave Maria, début de
l’époque moderne, L. 60 mm (Bouëtiez de Kerorguen
1996, 163, fig. 6, non figuré).
3 : Londres, “wire double hook”, première moitié du
XVIe s., L. 44 mm, la section est circulaire (Egan
2005, 47, fig. 29/171).
4 : York, 46-54 Fishergate, “double hook fastener”,
vers 1540, L. 34 mm, corps étroit aplati (Ottaway,
Rogers 2002, 2921, fig. 1491/15222).
5 : Douai, XVe-XVIe s., L. 40 mm, variante avec deux
perles en verre (Demolon 1999, 25, objet 64).
Fig. 1 — National Portrait Gallery, Londres : huile sur toile,
Anonyme.